COMMENT
MIEUX S'ENTRAINER EN NATATION
Article
paru dans Triathlète magazine Numéro 189 - Janvier 2003
S'il y a bien une discipline où il est techniquement difficile de s'améliorer, c'est sans conteste la natation. Les habilités motrices spécifiques sont, pour la plupart d'entre nous, beaucoup plus dur à développer qu'en cyclisme ou en course à pied. Nous analyserons ce mois ci les exigences de cette discipline à travers des exemples et des propositions d'exercices afin de mettre à profit les mois d'hiver pour enrichir votre bagage technique.
I
- STRATEGIE D'UN TRIATHLETE DE HAUT NIVEAU
Frank Bignet, entraîneur du Pôle de Montpellier et triathlète
de haut niveau, habitué des meilleurs temps natation
sur les épreuves nationales et internationales nous
explique sa stratégie de préparation en natation pour
la période foncière, faisant suite à une coupure régénératrice
de 3 semaines. Frank ne participe pas aux Interclubs
de la FFN, ce qui lui laisse le temps pour une préparation
réfléchie et progressive, afin de prévoir un premier
pic de forme au mois d'Avril 2003.
Postulat
de départ : " pour sortir sans risque, à l'heure
actuelle, premier ''pack'' sur une coupe du Monde, il
faut nager environ 16'30'' ."
Remarque : le triathlète valant 17'00 - 18'00'' pourra
très bien sortir également dans ce paquet (tout dépendra
des conditions et circonstances de course) mais avec
plus d'incertitudes ; ce qui explique en partie les
grandes variations suivant les courses de certains triathlètes
(premier paquet ou relegué à 1'00).
" Quand j'avais 17 ans, je nageais 6 fois par semaine
pour un volume hebdomadaire de 25km environ - mon record
personnel sur 1500m était de 17'20'' [ soit 50'' plus
lent que maintenant ] . Grace à la pratique du triathlon
et à l'augmentation de mes capacités physiologiques,
engendrées par la pratique de la cap et du vélo, j'ai
pu nager plus vite tout en diminuant le kilométrage
dans l'eau. De plus, psychologiquement, 15 minutes d'effort,
ce n'est rien, une fois qu'on a gouté aux efforts de
2h00."
Détail du cycle et présentation des séances hebdomadaires :
LUN |
MAR |
MER |
VEN |
SAM
(opt) |
|
Objectif séance | Allure 1 - long aérobie | Vitesse imposée par le test - coups de bras "critique'' | Alternance travail en "'bras'' sur des cadences basses en allure1 et de vitesse gestuelle sur des fréquences élévées. | Idem mardi | Allure 2 basse |
Volume totale série principale | 2500m à 3000m | Environ 2000m | Environ 5000m (300à 400m pour les séries de vitesse et 4000m pour les séries en bras seules) | Environ 2000m | |
Temps au 100m | 1'13''50 à 1'15''/100m | 1'12'' / 100m | |||
Coups de bras par 50m | 36 à 37 CDB / 50m | 35 CDB / 50m | |||
Exemple de séries |
3x800m / 2x1000m / 6x500m / 400m+600m+800m+ 600m+400m | 20x50m / 20x50m+10x100m / 20x100m | 4 blocs de (800m en pull buoy paddls + 5x20m d:1' en élastique seule) | ||
Remarques | D :1'45'' pour les 100m D :55'' pour les 50m |
Deux tests seront programmés
début janvier pour faire le bilan du cycle foncier
et fixer de nouvelles données de travail pour
le cycle suivant.
Un test 2000m pour déterminer la vitesse au seuil
anaérobie ainsi qu'un test 400m pour la vitesse
à VMA.. Ils permettront de définir le
profil du triathlète (Seuil Anaérobie
= % VMA) et définieront ainsi les grandes orientations
du cycle.
Analyse :
Premier point : ce qui est remarquable ici, c'est l'importance
accordée à la distance par cycle (nombre
de coups de bras par longueur), quelque soit le type
de séries, afin de conserver un haut rendement
dans l'eau, et nager ''utile'' sans passer par un kilométrage
gigantesque.
20km par semaine, c'est peu, pour un athlète
de ce calibre.
Deuxième point ; en dehors des séries
de vitesse, Frank ne nage pas plus vite que la vitesse
au seuil anaérobie (estimé à 1'10''
au 100m) sur l'ensemble des séances.
Ce cycle s'inscrit parfaitement dans une logique de
surcharge en jouant sur les 3 paramètres qui
la constituent ( intensité/volume et rapport
travail/récupération).
Troisième point : Frank n'utilise pas d'éducatifs
particuliers pour augmenter encore plus la qualité
de sa nage. Son seul défaut serait peut être
un retour aérien bras tendu, mais vu que cela
n'influence pas négativement son trajet moteur,
il n'y pas lieu de corriger ce point.
Quatrième point : seules les séries principales
sont présentées dans ce tableau, le reste
n'étant qu'habillage.
Cinquième point : récupération
relativement longue, pour les séries du mardi,
par rapport à la vitesse de nage ; tout ceci
dans l'optique de bien récupérer musculairement.
>
II - POUR NAGER PLUS VITE
Pour nager plus vite, plusieurs stratégies s'offrent
à vous.
Soit diminuer les résistances à l'avancement
(énormes dans l'eau, et exponentielle avec la
vitesse), soit augmenter l'efficacité ou la fréquence
des actions motrices. (puissance développée
= fréquence x amplitude).Il n'y a pas à
proprement parler de technique type en crawl.
Chaque triathlète doit adopter une technique
de nage en adéquation avec ses souplesses articulaires,
ses limitations techniques, ses points forts, la longueur
de ses segments, ...
Il faut construire la nage autour de ces éléments
sans vouloir imiter tel ou tel nageur.
Un constat de terrain (ou de bassin
...)
Trop de nageurs moyens se focalisent à augmenter
à tout prix la distance par cycle sur des vitesses
de nage lente.
Cela a plusieurs influences négatives sur leur
nage :
1) ils nagent pour la plupart en rattrapé (mauvaise
coordination bras/bras)
2) ils changent leur coordination bras/jambes au profit
d'un battement plus coûteux énergétiquement
3) ils placent des temps morts dans leur nage
4) ils sont ''bridés'' quand il faut changer
de rythme ou accélérer.
Pour avoir observer attentivement les
5 dernières équipes à Toulouse
(Coupe de France des Clubs 2002), la fréquence
moyenne des nageurs se situaient entre 40 et 44 cycles
par minute.
Ce qui veut dire concrètement, qu'il ne faut
pas chercher qu'à augmenter la distance par cycle.
Nager avec une certaine fréquence doit être
un objectif également recherché au cours
de vos entrainements.
III - LES EDUCATIFS
Les éducatifs doivent servir le nageur. Ce ne
sont pas des exercices d'entrainement.
Le but est de trouver les éducatifs pertinents
pour le nageur, pour corriger un défaut technique,
sans en créer un autre.
Concrètement, est ce vraiment utile de faire
faire du rattrapé à un nageur nageant
déjà sur une coordination bras/bras en
rattrapé ?
Le but n'est pas de faire ''catalogue'' de tous les
éducatifs au cours de la séance comme
on le voit trop souvent.
Exemple : 20x50m pause = 10'' (25m éducatifs
et 25m souple)
Mieux vaut se limiter à un éducatif ou
deux au cours de la séance pour fixer la concentration
du nageur sur un point technique particulier.
Afin de l'intégrer efficacement, il faut une
distance de travail suffisante sur cet éducatif
(entre 300 et 500m semble être une distance raisonnable).
Constat de terrain
Une séance type comme on le voit fréquemment.
Echauffement varié à base de crawl - 4
nages - série en jambes, ....
Série technique : 10x50m sur des éducatifs
précis
Série principale (physiologique) : 20x100m d
:1'40'' (exemple)
Récupération active
Chaque nageur s'applique plus ou moins
sur les distances courtes et nagées lentement
sur la série technique puis délaisse totalement
sa technique de nage lors des séries à
dominante physiologiques.
On est alors en droit de se demander à quoi ont
servi les éducatifs placés en préambule
à la série ?
Le but étant d'intégrer les éléments
techniques posant problèmes, sur toutes ses différentes
allures, et pas seulement sur les séries nagées
lentement.
Présentation de quelques éducatifs
en crawl.
![]() |
1) le crawl polo Objectif : fixation de la tête, dégagement des épaules, et coudes au dessus des mains lors de la traction ( travailler sur un mouvement assez court, en opposition et avec une fréquence de nage élévée) |
2) le travail sur un bras
Un bras immobile le long du corps . Placer l'inspiration en dehors de la phase motrice coté bras immobile. Pour les nageurs débutants, utilisez des Zommers (palmes courtes pour favoriser la portance)
3) le travail avec un pull buoy
dans chaque main Bien dégager ses épaules, accélerer le trajet moteur et nager les bras tendus sur les trajets aériens et sous marins. |
![]() |
4) le travail avec un pull buoy sous l'aisselle
Pour sentir le roulis
des épaules (les épaules ne sont jamais
à plat en crawl)
Le pull buoy doit etre immergé(dégagement
de l'épaule) et hors de l'eau (traction) en alternance.
IV - LES ERREURS LES PLUS FREQUEMMENT COMMISES PAR LES TRIATHLETES
Comment repérer un triathlète
dans une piscine ???
C'est le seul nageur qui arrive à faire 2900m
en pull paddls sur une séance de 3000m !
1) une respiration mal placée
dans le temps et dans l'espace
non illustré
![]() |
2 ) le nageur qui croise à l'attaque ou lors des trajets sous marins
|
3) la fuite du coude lors de la traction
non illustré
Le coude tombe lors de la traction sous marine, d'où
inefficience du trajet moteur. Le coude doit être
haut pour amener le maximum d'eau vers l'arrière.
![]() |
4) le coude attaque l'eau avant la main Dégager un peu plus les épaules pour que la main arrive avant le coude. |
Faite vous filmer sur une séance, afin d'avoir
une représentation précise de votre nage.
Cela vous permettra de voir les points à travailler
en priorité. Soyer concentrer quand vous nager
plutôt que d'aligner les longueurs sans objectifs
particuliers. Mettre rapidement en place des adaptations
cardiovasculaires ou musculaires est assez facile; des
schémas moteurs efficients, beaucoup plus délicats.
RD